Les Brésiliens de France – Les stars sont passées derrière

Longtemps, le Brésilien quittait peu son pays, son championnat, son soleil. L’Europe lui semblait trop loin, trop froide et au football pas digne de lui. A quoi bon s’user les mollets face à de piètres tripoteurs de ballons ? Jusque dans les années 1980, traverser l’Atlantique lui venait peu à l’esprit. Surtout pour venir en […]
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sambafoot_admin
2015-03-20 16:15:00

Longtemps, le Brésilien quittait peu son pays, son championnat, son soleil. L’Europe lui semblait trop loin, trop froide et au football pas digne de lui. A quoi bon s’user les mollets face à de piètres tripoteurs de ballons ? Jusque dans les années 1980, traverser l’Atlantique lui venait peu à l’esprit.

Surtout pour venir en France. Quitte à risquer de souffrir de la fameuse saudade, autant viser un grand championnat, en Italie (comme Altafini) ou en Espagne (tel Didi), voire au Portugal, pays où l’on parle la même langue. Le niveau au Brésil ne vaut d’ailleurs pas la peine de s’échapper.
Les meilleurs clubs locaux font encore la nique aux grands d’Europe, Flamengo (années 1980) puis Sao Paulo FC (années 1990) prennent régulièrement le dessus, gagnent en Coupe du monde des clubs, qu’on appelle longtemps Toyota cup.

En France, le premier à s’inviter est un international, Fernando Giudicelli. Le Carioca compte une Coupe du monde, la première, celle de 1930, quand il débarque chez les Girondins de Bordeaux, en 1934. C’est un milieu offensif. D’origine italienne, il lui prend vite l’idée de voyager.
Joueur technique, jugé manquant de combativité, il fréquente le Torino puis les Young Fellows de Zürich avant de poser ses valises au bord de la Garonne. Il portera aussi les couleurs du Sporting Lisbonne, du Real Madrid (juste un match !), d’Antibes encore.

Surprise: un des premiers Brésiliens est gardien de but, Vasconcellos, alias « le Jaguar », spécialiste des penaltys, qui joue pour Marseille de 1936 à 1939. En 69 matchs, tous en tant que titulaire, il encaisse 70 buts, en marque même un (sur penalty). Seuls quatre gardiens fréquenteront la France.
Aucun cador, pas de Taffarel ni de Julio César, n’est venu en France. En 2009, Marseille enrôle son second goal brésilien, il le prend au Rapid Bucarest et Elinton Andrade, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’a joué que neuf fois pour l’OM, dont une fois en coupe d’Europe.

En France, quand on cherche à recruter du Brésilien, ce n’est pas pour le mettre tout derrière, lui confier les clefs de la cage quand il y a gros à jouer. L’Espagne le fera (Diego Alves), l’Italie aussi (Julio César pour l’historique triplé Série A, Coupe d’Italie et Ligue des champions en 2009).
Pas la France, ni l’Allemagne, ni l’Angleterre. Dans un premier temps, jusqu’à l’arrivée du central de derrière Joël au Paris-SG en 1971, il n’y a d’ailleurs que des Brésiliens à vocations offensives à évoluer dans l’Hexagone. Marseille, encore, est le premier à faire signer de vraies stars, Jaïrzinho et Paulo César.
Ils sont déjà champions du monde (celle de 1970) et cela n’arrivera plus qu’une fois à la France d’accueillir des Auriverde déjà sacrés, avec Leonardo, débarqué au Paris-SG en 1996, deux ans après le titre de 1994. Ronaldinho (PSG) et Edmilson (Lyon) l’ont été, en 2002, Raï (PSG) et Marcio Santos (Bordeaux) aussi, en 1994, alors qu’ils étaient sous licence française.

Tous deux auront marqué leur passage, par des éclairs de génie, de sacrées soirées dans les boîtes du coin aussi. Ils posent définitivement l’image du Brésilien fabuleux balle au pied mais au rendement irrégulier. Dans leur sillage, pourtant, dès les années 1980, le niveau des Brésiliens de France s’élève.
On n’est plus dans le bon joueur de complément, la France accueille des internationaux, et des vrais, des titulaires de la Seleçao, comme Mozer, passé par Flamengo puis Benfica avant d’arriver à Marseille, comme Julio César qui file à Brest puis Montpellier. C’est une nouvelle génération. En quantité, rien à voir non plus : l’exode s’intensifie. Et ce n’est pas près de s’arrêter, depuis 2000, la Fédération brésilienne enregistre un millier de départs l’an.

En France, c’est un nouveau type de joueur qui s’invite, comme le pays en avait encore peu vu. On connaissait le fin dribbleur, l’attaquant technicien, avec ces deux-là, plus Ricardo Gomes et Geraldao, les clubs hexagonaux découvrent une autre manière d’assurer leurs arrières.

Ces footballeurs sont rudes sur l’homme, mais toujours avec une classe certaine et une touche de technique, laquelle rappelle qu’au-delà de la propension à aller au combat, ils n’en restent pas moins Brésiliens. Ils sont dans la lignée des Bellini (1958) et Luis Pereira (1974), impossibles stars au pays du ballon, où on leur préfèrera toujours le tripoteur de baballe au cœur du jeu, mais fabuleux joueurs.
Carlos Mozer (OM) et Ricardo Gomes (PSG) changent l’image que la France pouvait se faire du Brésilien. Vasconcellos, puis Paulo César, l’avaient posée excentrique, ces centraux sont d’une rigueur plus européenne, sans fioritures souvent. D’un sérieux tactique qui fera de Ricardo Gomes un entraîneur dans sa seconde carrière. Abel Braga (arrière-central lui aussi, passé par le PSG également) et lui sont les seuls Brésiliens à avoir coaché en France. Abel Braga à l’OM, Ricardo Gomes au PSG, Bordeaux puis Monaco. La France n’en aura pas d’autre dans son histoire.
La 1re Division française, dès les années 80, ouvre sa porte à ces maîtres de défense intraitables. Heureusement, il y a aussi quelques traits de magie brésilienne pour qu’on n’oublie pas l’essence du futebol. Sony Anderson, Valdo, Raï sont là pour le rappeler. Le Brésilien sert aussi à donner de la lumière au jeu.
Avec Sony Anderson, Leonardo, Edmilson aussi, la France parvient à faire venir des éléments que d’autres grands d’Europe convoitent. Entre Monaco et Lyon, le premier ira faire un tour au FC Barcelone. Le second rebondira au Milan AC après son année parisienne. Edmilson ira au Barça après Lyon.

Il y a une grande vie après être passé par le championnat français, sans forcément avoir à s’en retourner au pays par manque de choix. S’y faire oublier, quitte à resurgir, en toute surprise, le temps d’un titre mondial. Vampeta n’a pas marqué l’histoire du PSG, avec ses sept matchs disputés en 2001, mais l’année d’après, revenu au Brésil (au Flamengo), il sera de la bande à Felipe Scolari sacrée championne du monde au Japon.

Aussi bien que le Portugal, voie d’accès évidente pour les Brésiliens qui se décident à débarquer en Europe, la France devient un tel tremplin dans bien des carrières. Ronaldinho, encore gamin à dégrossir sous les couleurs du Grêmio, signe au Paris-SG en 2001 et devient la star qu’il n’a jamais cessé d’être.
Avant le Barça, avant le Milan AC, c’est en France qu’il s’est fait ses armes (le PSG le vendra 32,3 millions d’euros), malgré un Luis Fernandez qui n’aura jamais rien compris à ce joueur. « Ecoute-moi, Luis, la pression, cela fait depuis mes 17 ans que je la connais. J’ai perdu un match avec Porto Alegre, on a attendu jusqu’à 4h du matin pour pouvoir sortir du stade parce que les mecs dehors volaient nous lyncher. Alors la pression… », raconte « le footballeur masqué » (éditions Hugo&Sport).
Ronnie fera ses premières armes en Europe avec des PSG-OM (d’ailleurs les deux clubs qui ont fait signer les plus de Brésiliens) de la grande époque avant de connaître les Inter-Milan et Real-Barça. Pareil pour Maicon, passé par Monaco avant d’être une pièce essentielle de l’Inter Milan de Mourinho. La France ne se contente plus d’attendre que le Brésilien confirme sur le sol du Vieux-Continent avant de faire signer le Brésilien, il va le chercher directement au pays. Comme pour Ronaldinho (Grêmio), Nilmar (Internacional), Fred et Maicon (Cruzeiro).

A l’heure actuelle, en cette saison 2014-15, les meilleurs Brésiliens évoluent derrière, entre Thiago Silva et David Luiz, les deux verrous de la Seleçao, voire Marquinhos, voire Wallace (Monaco), voire Fabinho (Monaco encore), tous des joueurs qui sont des défenseurs. Lucas Moura (PSG), dont le statut d’international est à confirmer depuis la Coupe des confédérations 2013, est l’exception.
L’époque n’est plus vraiment aux milieux techniciens, plus aux arrières qui gardent bien le centre de la défense et ceux qui savent déborder le long de la touche (Maxwell, Fabinho). Les autres, les attaquants et milieux offensifs, on ne les trouve plus parmi les joueurs de premier plan.

Les attaquants vedettes vont peu en France. A quelques notables exceptions, comme Sony Anderson cité plus haut, Ronaldinho aussi bien sûr. Mais l’avant-centre aperçu en championnat, ici, c’est plus Brandao ou Santos, Nenê ou Tulio que Diego Costa (Chelsea) ou Amoroso (celui de l’Udinese, celui du Borussia Dortmund aussi), Adriano (Inter) ou Ronaldo (Barça, Real, Inter).

Il y a un attaquant type pour la Ligue 1, un Tulio et un Ilan, plus physiques que techniques, qui réussissent plus en France qu’ailleurs, qui savent marquer des buts (un Brandao décisif en Coupe de la Ligue, un Ilan et ses 67 buts en Ligue 1), avec toute la belle indifférence de la sélection nationale. Luis Fabiano est plus « racé » brésilien, à la fois malin devant le but et diablement adroit au coeur de la défense adverse, mais s’il a brillé, c’est plus en Espagne (Séville) qu’en France (Rennes).
Le jeu de la Ligue 1 permet-il encore aux grands artistes brésiliens de s’exprimer ? Déjà faudrait-il que ceux-ci choisissent la France plutôt que l’Angleterre ou l’Espagne. Ce que n’ont fait ni Coutinho (Liverpool) ni Oscar (Chelsea).

Notre Onze des Brésiliens de France:

Vasconcellos – Maicon, Thiago Silva, Ricardo Gomes, Leonardo –                      Juninho Pernambucano – Eduardo Costa – Jairzinho – Raï – Ronaldinho – Sony Anderson

Les chiffres
De 1934 à 1955 : 12 joueurs (1 gardien, 1 latéral, 3 milieux offensifs, 7 attaquants).
De 1960 à 1980 : 15 joueurs (3 arrières-centraux, 2 milieux offensifs,  10 attaquants).
De 1980 à 2000 : 38 joueurs (1 latéral, 11 arrières-centraux, 1 milieu défensif, 11 milieux offensifs, 14 attaquants).
De 2000 à 2005 : 64 joueurs (1 gardien, 4 latéraux, 13 arrières-centraux, 9 milieux défensifs, 11 milieux offensifs, 26 attaquants).
De 2005 à 2010 : 63 joueurs (1 gardien, 6 latéraux, 17 arrières-centraux, 8 milieux défensifs, 11 milieux offensifs, 20 attaquants).
De 2010 à 2015 : 44 joueurs (2 gardiens, 8 latéraux, 13 arrières-centraux, 4 milieux défensifs, 6 milieux offensifs, 9 attaquants).
Attention : plusieurs joueurs peuvent chevaucher les périodes retenues ci-dessus.

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Mars 20, 2015