Après Brésil – Allemagne (7-1): « Cette Seleção a fait pleurer nos enfants »

A RIO. L’envie de causer n’est pas forte en ce mercredi matin, lendemain de débâcle de la Seleçao. Les visages ont triste mine, les maillots auriverde ont disparu des épaules brésiliennes. Elles sont désormais seulement portées par les touristes, sûrement pas au fait du 7-1 de la veille, face à l’Allemagne, en demi-finale que le […]
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sambafoot_admin
2014-07-10 00:18:00

A RIO.

L’envie de causer n’est pas forte en ce mercredi matin, lendemain de débâcle de la Seleçao. Les visages ont triste mine, les maillots auriverde ont disparu des épaules brésiliennes. Elles sont désormais seulement portées par les touristes, sûrement pas au fait du 7-1 de la veille, face à l’Allemagne, en demi-finale que le Brésil s’était promis de remporter.

« Il y a de la honte », note Achille, kiosquier de Rio. « Deux buts d’écart, j’aurais pu comprendre, mais là… Jamais l’équipe nationale n’avait aussi mal joué. » Alors il lui en veut, forcément, et il en veut à tout le monde par la même occasion.
« Ce matin, on m’a volé des revues. Je suis énervé. Il y a beaucoup de choses qui ne vont pas dans ce pays, et pas seulement le foot. Il y tant de problèmes ! » La déroute du terrain fait ressortir les difficultés d’une nation en pleine crises. « Si on avait gagné, cela aurait atténué nos difficultés », poursuit Ismar, le serrurier voisin.
Son client renchérit, et la litanie est longue : « Mon fils n’a pas eu école pendant deux mois parce qu’il n’y avait pas de professeur. Nos hôpitaux manquent de médecins, notre éducation n’a pas assez d’instituteurs. Cela ne va plus. »
« Et on a dépassé des milliards pour cette Coupe du monde, enchaîne le faiseur de clefs. On aurait mieux fait de ne pas l’avoir chez nous. Pour ce qu’elle nous a amené !… » Pour les gens, il restera à jamais ce goût amer, désormais indélébile d’une défaite record. « Le pays entier a souffert. Depuis ce matin, on ne parle que de ça. »

Lui est supporteur de Flamengo, cela se voit aux fanions qui pendent au comptoir. « Contre cette Seleçao, on aurait pu faire jouer une équipe de jeunes, elle aurait gagné. Même le Flamengo aurait gagné ! » Pour info, le club carioca s’affiche en seconde partie de tableau dans le championnat national.
« Le Brésil a très mal joué. C’est une humiliation pour le pays, confie Anibal, fleuriste. Je suis supporteur, et c’est terrible d’avoir vu cela de la part d’un football qui a toujours été considéré comme le meilleur au monde. Je félicite l’Allemagne, elle a une belle équipe. »

Il y a de l’accablement, une tristesse profonde d’où pointe, parfois, une ironie incapable malgré tout de faire passer l’amertume de la pilule. Mais pas de violence. A Sao Paulo, il y a bien eu quelques bus cramés, une boutique dévastée, mais on est loin des révoltes annoncées. Du moins pour le moment.
La honte bue est encore trop fraîche pour ressortir en coups de sang. « Cela fait un moment qu’il y a un rejet de cette Coupe du monde, selon l’homme aux fleurs. Elle n’a jamais été populaire. Et puis, avec un tel score, que voulez-vous dire ? On a dépensé une fortune pour la sélection et puis rien. Ce qui s’est passé va rester dans l’Histoire. »

Et l’on pourra dire « j’y étais » plus tard. Roberto, au volant de son taxi, va plus loin : « C’est encore plus humiliant que la finale de 1998 (0-3 face à la France, au Stade de France). On avait alors dit que Ronaldo avait mangé quelque chose de mauvais, que va-t-on dire cette fois ? Que c’est à cause du climat ? » A Belo Horizonte, où la demie s’est jouée, il y avait soleil.
Pas dans le cœur des Brésiliens. « J’ai vu mon fils pleurer devant la télévision, peste Everton. Cette Seleçao a fait pleurer nos enfants et ce n’est pas normal. Lui sait tout des sélections nationales, il les suit, il connaît les noms des joueurs. Et là il a pleuré ! »

Si l’ampleur du score a frappé, et frappe encore, les esprits, la défaite ne surprend même pas. « C’est compliqué depuis le début, aux dires du marchand de presse. Il n’y avait pas vraiment une volonté de gagner. » Lui est un fan de Fluminense, le club de Fred. « Il fallait l’enlever depuis longtemps, il n’a rien fait. »
Le reproche est lancé à ces footballeurs aux comptes en banque fort bien garnis. « Ils sont tous riches, ce sont des millionnaires et ils n’ont pas su jouer pour le pays. Un pays où il y a beaucoup de pauvreté. Ils auraient dû plus se battre pour les pauvres du Brésil. »

Là, c’est Anibal qui s’exprime. Roberto, lui, élargit aux misères du football national. « Les jeunes partent trop tôt, les clubs sont fragiles. Le foot n’est plus qu’une question d’argent. » Sous entendu, il en aurait oublié sa fonction première au Brésil : son rôle d’ambassadeur d’une nation gagnante. Mais qui, là, n’a pas gagné. « Scolari est trop têtu. Regardez Fred… Il y avait mieux ! »
Roberto, pour cette demi-finale, avait invité du monde à la maison, autour d’un barbecue géant, à partager entre amis. « L’équipe nationale a gâché notre fête. Moi-même je me suis investi pour ce Mondial. J’ai fait des dons, j’ai participé à la décoration de ma rue. J’ai l’impression d’avoir fait partie de l’événement, et d’en être en partie responsable. C’est très triste. »

Alors il reste un match, celui pour la troisième place. Et il fait craindre le pire au taximan. « Contre les Pays-Bas, on va s’en prendre sept, face à l’Argentine ça peut faire trois ou quatre. Le Brésil va perdre son dernier match, il ne peut pas le gagner. Soyons réalistes. N’importe qui aurait battu cette équipe. »

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