Après Brésil – Croatie 3-1: Dieu était Brésilien

Qu’il est dur de démarrer une Coupe du monde, surtout quand le moindre but contraire semble en passe de mettre le pays à feu et à sang. Le moment (fort) d’émotion vécu par la Seleçao, en communion avec le public pendant l’hymne national, n’a pas arrangé les choses. Cette équipe est jeune, l’une des plus […]
par
sambafoot_admin
2014-06-13 21:35:00

Qu’il est dur de démarrer une Coupe du monde, surtout quand le moindre but contraire semble en passe de mettre le pays à feu et à sang. Le moment (fort) d’émotion vécu par la Seleçao, en communion avec le public pendant l’hymne national, n’a pas arrangé les choses.

Cette équipe est jeune, l’une des plus jeunes de ce Mondial. Avec seulement deux titulaires déjà présents il y a quatre ans (Dani Alves, Julio César), il y a peu de monde pour calmer l’incroyable panique qui a envahi cette équipe. Si sereine il y a un an, lors de la Coupe des confédérations, elle s’est soudain retrouvée démunie avec le même Onze, au joueur près.

La défaite fut évitée, mais elle a hanté le stade. Au lieu d’un carton jaune, Neymar aurait pu se prendre un rouge sur son coup de coude (sur Modric, à la 27e) et là, nul ne sait si les Auriverde auraient réussi à inverser la tendance qui, alors, était plus près du 0-2 que du 1-1.
Sans le coup de mains de l’arbitre, quand il montra par erreur le point de pénalty (à la 71e), il aurait même dû y avoir nul. Alors oui, cette Seleçao a du talent, des joueurs de génie capables de marquer à tout moment – merci qui ? merci Neymar ! -, alors heureusement ce groupe vaut mieux que ce gloubi-boulga à vous filer un ulcère à l’estomac à force de l’avoir serré.
Mais que ce fut pénible, douloureux. Rares sont les matchs d’ouverture qui ne le sont pas, à part cet Allemane – Costa Rica de 2006 (4-2) ô combien plus déséquilibré. Sinon, on ne voit que des 1-0, 2-1, 0-0. Et l’on met de côté le France – Mexique (3-1) d’un autre temps (1930).

Il y a désormais trop d’enjeux, trop de pression pour se libérer d’entrée de compétition. Ce constat posé, il reste des inquiétudes, et elles sont fortes. Cette Seleçao, avec le football proposé, ne peut gagner la Coupe du monde. Encore heureux si elle dépasse le stade des 8es de finale.
Quand il y a danger, d’habitude, le réflexe va vers un resserrement des lignes, vers une récitation des circuits préférentiels, une revue d’effectif des us et coutumes du plan de jeu. On évite de prendre des risques, on ferme la maison à double tour et on laisse passer l’orage.

Or, ce groupe a déjoué dans les grandes largeurs, perdant tout repère, tout collectif, se mettant elle-même en grand danger. Ce but contre-son-camp signé Marcelo (le premier de la Seleçao en Coupe du monde !) n’est pas un incident de jeu mais le résultat d’un fâcheux flottement. Qui a perduré.
Le plus amusant de tout est ce cadeau de l’arbitre, le Japonais Nishimura. On le savait nul depuis qu’il avait permis aux Pays-Bas de refaire surface puis sortir le Brésil en quarts de finale, il y a quatre ans (1-2). Cette fois, c’est la Croatie qu’il a condamnée, avec ce pénalty permettant un 2-1 difficile à imaginer dans le cours du jeu.

Comme s’il s’était promis de compenser le pénalty injustement refusé à Kaka en 2010 par un pénalty injustement accordé à Fred jeudi. D’ailleurs, Kaka, présent dans les tribunes, s’est fait plaisir en filmant ce « tir au but » converti par Neymar (71e). Avec cette action, la Seleçao se retrouve aujourd’hui montrée du doigt parce que « favorisée » par la Fifa.
« On n’a qu’à leur donner de suite la Coupe du monde », s’est permis de lancer le sélectionneur croate, Niko Kovac. « Un pénalty anti-émeute », exprime Rolland Courbis. Cela ne donne pas une belle image auriverde.

L’analyse tactique

L’animation offensive.  La dernière compétition officielle du Brésil fut la Coupe des confédérations. Avec une animation offensive virevoltante, variée, enchanteresse. Face à la Croatie, elle fut tout le contraire, anémiée, stéréotypée, pas agressive et se reposant sur les coups de pattes des génies de la bande, Oscar et Neymar.
Trop loin les uns des autres, forcés de procéder par de longs ballons, ils n’ont pas formé ce qui faisait la force de la Seleçao, une équipe qui fait bloc. Neymar et Oscar ont été obligés de reculer, ils n’avaient pas de relais efficaces sur les ailes et personne (enfin si, Fred) en points d’appui.

La réussite insolente de 2013 n’était plus là non plus. Il y a parfois eu le feu dans la maison croate, surtout dans les folles vingt dernières minutes de la première mi-temps, mais pas beaucoup d’étincelles. Pour un peu, cette équipe a donné raison à Paulo Cesar qui lui reproche de manquer d’intelligence de jeu et d’avoir plutôt des joueurs qui courent.
Approximations techniques dans la construction du jeu, manques  de vitesse, de liant, de fluidité, ballons perdus. Avec tout ça, le 3-1 final ressemble à un petit miracle.

L’organisation défensive. Le pressing très haut placé qui avait épaté lors de la Coupe des confédérations s’est peu vu (quelque vingt minutes, en fin de première période). L’axe Thiago Silva – David Luiz s’est cherché plus d’une fois. Les deux joueurs ont d’ailleurs varié leurs placements en cours de match. Sans plus de sécurité.
Manque d’impact sur l’adversaire, beaucoup de duels perdus, le pire de tout fut le replacement défaillant des deux latéraux. Or, avec le jeu à la brésilienne, c’est une clef. Avec deux arrières de côté qui montent souvent, cela crée des trous. S’ils ne sont pas compensés, si les latéraux (surtout Dani Alves) loupent leurs duels, traînent des pieds pour revenir, cela offre des boulevards à l’adversaire. Très inquiétant pour la suite.

Coups de pied arrêtés. Le Brésil avait travaillé l’exercice, et cela s’est vu. Mais si aucun n’a permis de marquer (on laisse de côté le pénalty), malgré les sept corners proposés, au moins la Seleçao n’a rien encaissé sur cet exercice où elle a tant perdu de matchs (contre la France en 1998, sur deux corners, toujours face à la France, en 2006, sur coup franc). Attention : Julio César n’a pas montré qu’il avait actuellement l’étoffe pour sortir gagnant d’une série de corners contraires.

Le jeu et les joueurs

Julio César : pour un joueur qui compte peu de matchs cette année, il s’en est bien sorti. Décisif face à Jelavic (28e), puis Perisic (89e), il a su suppléer les errances de sa défense. S’il a subi la charge musclée d’Ollic (83e), action sanctionnée à juste titre, il n’a pas su se montrer très maître dans sa surface de réparation. A suivre.

Dani Alves : peu convaincant à l’offensive, piteux dans les phases défensives. Peut-être l’un des plus mauvais du jour. Ollic s’est joué de lui pendant toute la rencontre. Manquant d’agressivité, en retard au marquage, nul dans le replacement, les actions croates les plus dangereuses ont été construites de son côté.

David Luiz : pas toujours impeccable, il a rempli son rôle de pompier. A plusieurs reprises, il a sauvé la maison en feu, su placer le bon tacle au juste moment. Devant, il a su peser sur la défense croate lors des coups de pied arrêtés.

Thiago Silva :
à éviter de s’user sur la fin du championnat, à s’économiser les derniers matchs de préparation, le capitaine est arrivé avec un manque évident de compétition, pour un peu de repères aussi. Hésitant, pataud parfois, il n’a pas été le patron qu’il doit être.

Marcelo : c’est lui qui marque le but contre son camp. Cela aurait pu l’assommer, il a su refaire surface. Se montrant décisif ensuite en défense, même s’il n’a pas amené grand-chose à l’attaque.

Luiz Gustavo : c’est l’autre pompier de la Seleção. Parant au plus pressé quand Dani Alves était dépassé, il a stoppé pas mal d’actions croates dans l’axe aussi. Fort précieux d’habitude, il s’est avéré indispensable.

Paulinho : on l’a connu plus efficace, pesant plus sur la défense adverse, plus fort dans les duels. Il a essayé quelques relais, il s’est souvent éteint. Remplacé par Hernanes (63e), lequel a apporté de la fluidité dans le jeu. A revoir.

Hulk : courir droit devant sans idée en tête ne mène à rien. Jeudi, ce joueur n’a pas servi à grand-chose. Son physique en impose, a fait (un peu) mal aux couloirs croates, mais cela n’a rien amené de concret. Bernard, qui l’a remplacé (68e), n’a pas mieux réussi.

Oscar :
lui a semé le mauvais, le bon puis le génial. Mort de trouille, il a perdu des ballons précieux, puis il a su aller chercher dans les pieds des balles de récupération. C’est lui qui a rendu brésilien la balle du 1-1, lui qui a centré pour Fred sur le pénalty, lui qui marqua le 3-1. Il est sorti du lot.

Neymar : c’est le joueur du match, et il compte bien être le joueur de cette Coupe du monde. Attendu comme le Messie (le vrai, avec un « e » au bout), il fut le sauveur de cette Seleçao avec son doublé (1-1 puis 2-1). Sa première réalisation fut signée d’un tir écrasé du gauche (29e), le pénalty qui a suivi (71e) aurait pu être arrêté si la main du gardien croate avait été plus ferme. Avec Oscar, mais plus souvent qu’Oscar, il est le seul à avoir apporté du danger. Remplacé par Ramires (88e).

Fred : s’il ne s’était pas laissé tomber pour provoquer un pénalty imaginaire (soit disant provoqué par son ancien coéquipier de Lyon, Lovren), on n’aurait pas su qu’il était sur le terrain. Trop court sur un centre au poil signé Oscar (15e), il a perdu ses duels, n’a pas su se démarquer. Il a été étouffé par la défense croate. Un match façon Prosper, le gentil fantôme.

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