Eduardo chantera les deux hymnes !

L’image ne date pas d’hier, elle reste pourtant inoubliable, gravée à jamais. On y voit un véritable attentat à crampons ouverts. Le 23 février 2008, face à Birmingham City, Eduardo Alves Da Silva (les amis disent aussi Dudu, c’est plus court) a la cheville disloquée suite à un tacle appuyé. C’est d’ailleurs un modèle du […]
par
sambafoot_admin
2014-06-11 18:15:00

L’image ne date pas d’hier, elle reste pourtant inoubliable, gravée à jamais. On y voit un véritable attentat à crampons ouverts. Le 23 février 2008, face à Birmingham City, Eduardo Alves Da Silva (les amis disent aussi Dudu, c’est plus court) a la cheville disloquée suite à un tacle appuyé.

C’est d’ailleurs un modèle du genre, et l’assassin se nomme Martin Taylor. Dans l’action, il ne vise pas le ballon, juste la solution pour écraser le pied de ce virevoltant attaquant qui l’embête depuis un moment. Le but recherché était d’éliminer le gêneur, c’est réussi, il l’envoie aux urgences.
Le péroné est fracturé, la cheville désolidarisée du pied. Il suffirait d’enlever la chaussure pour qu’ils se séparent. Les médecins diront plus tard que le joueur a frôlé l’amputation. Donc la fin (tragique) d’une carrière en plein devenir, alors que l’artiste est à deux jours de fêter  ses 25 ans.

C’est aussi fort que le tibia-péroné pété de Djibril Cissé (8 juin 2006). Sauf que le Français s’est fait cela tout seul, sans aide terroriste. Gilberto Silva, coéquipier d’Arsenal, aide au retour d’Eduardo. Il lui sert de traducteur à l’hôpital, l’envoie chez le bon physiothérapeute au Brésil.
« Mon principal soucis, glisse alors (dans le magazine officiel d’Arsenal) le soldat presque perdu pour le football, est l’utilisation de ces images par les médias. Et de penser qu’elles sont dures à voir pour les enfants. Cela me touche beaucoup qu’ils puissent avoir une mauvaise vision de ce qu’est le football. »
Ce jeu a bien failli perdre une perle. Avec Arsène Wenger et sa propension à mettre les jeunes talents en valeur, il était sur le point d’atteindre des sommets . En un claquement de crampons, il touche terre. Ne s’en relève qu’un an (ou presque) après, le 16 février 2009 face à Cardif City (FA Cup).

Ce jour-là, il réussit un doublé, le premier dès la 21e, le second sur penalty. L’histoire, son aventure personnelle, peut reprendre son cours. Elle n’a jamais été facile. Le Carioca a tôt dû s’expatrier pour réussir. Souvent blessé étant jeune (déjà), il ne tape pas dans l’œil des grands de Rio de Janeiro.
Il n’a pas fait ses classes au Flamengo, ni même à la réputée école de Vasco de Gama, mais à Bangu. On y a vu évoluer Domingos da Guia, Zozimo et Zizinho. Rien de très frais donc. Par contre, et dur de dire s’il s’agit d’une seule coïncidence, beaucoup ont plus tard percé sous une autre nationalité.

Mehmet Aurelio fut international turque, Tony Menezes a opté pour le Canada. Quant à Eduardo, il a viré Croate. Dès 1998, alors qu’il affiche 15 ans seulement, il est acheté 50.000 dollars (pour un salaire de 15.000 l’an) par le Dinamo Zagreb. Il ne parle pas croate, ni anglais, juste portugais.
Pas très utile à Zagreb. Les débuts sont d’ailleurs difficiles, il fait froid là-bas, on y attrappe assez vite la nostalgie de Rio, la fameuse saudade qui a mis fin à tant de tentatives européennes. Le joueur est d’ailleurs souvent prêté, à droite (Croatia Sesvete) ou à gauche (Inter Zapresic) ne laissent pas augurer la réussite à venir.
De Croatie, même s’il en est parti en 2007, pour Arsenal (payé 7.5 millions de livres), il a pris quelque chose d’essentiel pour la suite, sa suite, la nationalité. Marié avec une Zagréboise, il devient Croate en 2002, est appelé à disputer l’Euro -21 ans en 2004 (en Allemagne).

Il est d’ailleurs marrant de noter que son premier but croate le fut contre la sélection de Serbie-Montenegro, laquelle n’existe plus. Dès ses 21 ans, il intègre les A, face à l’Eire en 2004 (le 16 novembre). On aurait pu, on aurait dû, le voir au Mondial-2006, déjà. Sa non-sélection fait scandale au pays.
Zlatko Kranjcar lui préfère Luka Modric (cela n’a rien de choquant) mais surtout son fils, Niko. Et là c’est choquant, d’ailleurs cela choque. Pour 2010 on oublie, reste donc 2014 pour ses débuts en Mondial. Et le hasard a fait les choses bien, avec ce Brésil-Croatie pour commencer la compétition, à Sao Paulo.

Jeudi (22h, heure française), le carioca sera en plein stade à porter la tunique de la Croatie face à la Seleçao. « Jouer contre mon Brésil est forcément quelque chose de spécial. Jusque-là, j’arrivais à dormir, mais plus l’échéance se rapproche, plus la tension monte. »
Pour vivre dignement l’événement, il a déjà prévu de chanter les deux hymnes nationaux à la suite. S’il a appris par cœur le Notre belle patrie croate (là-bas, on dit Lijepa nasa Domovino), il n’a pas oublié l’air, ni les paroles de l’Hino nacional et ses « rives calmes de l’Ipiranga ».
« Ce serait un sentiment étrange mais cela me rendrait fier », déclare-t-il à Radio Globo. « Il est Croate par le travail mais Brésilien dans le cœur », appuie sa maman.
« Accepter l’invitation à jouer pour la Croatie a été la meilleure décision que j’ai prise de ma vie. Mais je n’aurais jamais imaginé que, en tant que Brésilien, j’aurais une chance de disputer le match d’ouverture de la Coupe du monde. Dans le football, l’impossible devient possible. »

Tout cela ne serait pas arrivé sans son séjour à Arsenal (de 2007 à 2010), jusqu’à ce qu’il rejoigne Shaktar Donetsk (contre 9 millions d’euros), où il est toujours. Il y est arrivé pour remplacer Thierry Henry, trouve sa place quand Robin van Persie est blessé.
Rapidement, il se fait meilleur buteur Gunner. Une maison qui ne l’a pas oublié, le 19 octobre 2011, alors qu’il revient à l’Emirates Stadium avec le maillot de Donetsk sur le dos, un formidable hommage lui est rendu. Rentré en seconde mi-temps d’un rendez-vous en Ligue des champions, il reçoit une standing ovation. Il marque le but ukrainien du 5-1 anglais.

Technique, dur au mal aussi (jeune, en Croatie, il a tu une fracture au pied de peur qu’on ne fasse plus appel à lui), il est terriblement adroit dès qu’il s’agit de marquer. D’abord utilisé à la pointe, la sélection nationale le place aussi à l’aile ou alors en attaquant d’appui.
Avec ses 29 buts internationaux, il est même le deuxième meilleur buteur de l’équipe nationale croate, derrière Davor Suker (45). Il ne manquerait plus qu’il marque contre le Brésil jeudi…

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