Un laboratoire démocratique en pleine dictature

Un laboratoire démocratique en pleine dictature [photo=democraciar.JPG id=120 align=left]Dans le football moderne, les clubs sont dirigés comme des entreprises par leurs présidents. Certains sont élus par les supporters associés (comme les socios des grands clubs espagnols), ce qui confère à ces derniers un pouvoir certain. En revanche, les joueurs ne sont que des employés aux […]
par
sambafoot_admin
2005-11-16 03:00:00

Un laboratoire démocratique en pleine dictature

[photo=democraciar.JPG id=120 align=left]Dans le football moderne, les clubs sont dirigés comme des entreprises par leurs présidents. Certains sont élus par les supporters associés (comme les socios des grands clubs espagnols), ce qui confère à ces derniers un pouvoir certain. En revanche, les joueurs ne sont que des employés aux ordres de l"entraineur.

Au début des années 80, le Sport Club Corinthians Paulista a connu un mode de fonctionnement original, voire unique dans l"histoire récente. Atílson Monteiro Alves, un sociologue de formation et ancien militant universitaire, est nommé directeur sportif du club fin 1981. C"est lui qui en accord avec les joueurs instaurera le vote démocratique au sein du club pour toutes les décisions importantes, comme le rythme, les horaires et l"orientation des entrainements, la signature de nouveaux contrats, les mises au verts (“concentrações").. ces dernières seront d"ailleurs les premières victimes de la toute jeune Démocratie Corinthienne, les joueurs préférant nettement la responsabilisation plutôt que l"isolation forcée.

Les résultats ne se feront pas trop attendre, puisque le Corinthians “démocratique" remportera deux titres paulistes consécutifs en 1982 et 1983, en proposant un jeu remarquablement créatif. De plus certains joueurs vont s"investir totalement dans le nouveau système de gestion, et en faire l"écho des nouvelles aspirations démocratiques du peuple brésilien, à une époque où le pouvoir militaire semble s"essouffler(*). Parmi eux le plus emblématique sera le grand (par la taille et le talent) “Docteur" Socrates, surnommé ainsi en raison des études de médicine qu"il poursuivit avant de devenir footballeur professionnel. Le signe le plus visible de cet engagement sera l"inscription “Democracía Corintiana" floquée sur les maillots du Corinthians de l"époque.

En 1982, le pouvoir militaire fit une première concession aux multiples appels à la démocratie: l"organisation d"élections libres pour le gouverneur de l"Etat de São Paulo le 15 novembre. Alors que les maillots étaient encore vierges de tout sponsor au Brésil, les Corinthians se présentèrent alors en fin d"année sur le terrain avec le message “Día 15, vote" (le 15, votez!).

[photo=diretas_socratesr.JPG id=120 align=right]Quelques mois plus tard, lors de la finale du championnat pauliste de 1983 au Morumbi (surnommé ce jour là “Morum-Bi" car le Corinthians était déjà tenant du titre), apparut dans les tribunes une célèbre banderole: “Ganhar ou perder, mas sempre com a Democracía" (“Vaincre ou perdre, mais toujours avec la Démocratie"). Cette banderolle sera portée en tour d"honneur par les joueurs en fin de partie.

Très sollicité par les clubs européens, Sócrates fait une promesse en 1984: il reste au Brésil si le parlement rétablit une élection présidentielle au suffrage universel (le système d"alors et une élection par le parlement). A l"époque la fuite vers l"Europe des joueurs n"est pas encore considéré comme une fatalité. Malheureusement la manoeuvre sera un échec et le Docteur signera à la Fiorentina, où il restera deux ans.

En 1985, la “Democracía Corintiana" perdit les élections internes du club, et le Corinthians redevint un club comme les autres. Le système d"élection parlementaire du président fut également maintenu, mais à la surprise générale, c"est le candidat de l"opposition, Tancredo Neves, qui sera élu. Peut-être que tout cela n"aura pas été inutile..

“Peu de Brésiliens ont la possibilité de faire des études et donc d"acquérir des notions de politique. Nous leur avons inculqué cette culture en utilisant la langue du football." (Socrates).

(*) En 1980 le pouvoir a déjà été secoué par un mouvement militant mené par un leader syndicaliste charismatique de l"industrie automobile pauliste nommé Luiz Inácio Lula da Silva. C"est bien le même qui sera élu président quelques 20 ans plus tard, et qui n"a jamais caché qu"il était supporter du Timão depuis toujours.

Liens recommandés:

La fiche de Socrates

Tout sur le Corinthians de São Paulo

Les photos du club prises lors de notre voyage au Brésil

La semaine spéciale Corinthians sur sambafoot.com:

MSI: la connexion russe du Corinthians

Roger, le symbole du renouveau

Carlos Alberto veut s"imposer au Corinthians

Le stade Pacaembu

Corinthians: 95 ans de passion

Précédent

par
sambafoot_admin
Nov 15, 2005

Suivant

par
sambafoot_admin
Nov 16, 2005