Morumbi: un temple du football qui regarde vers l’avenir

Le plus grand temple du football brésilien après le Maracanã est plus qu'un symbole. Il est le stade du São Paulo FC, à moins que ce ne soit l'inverse, car celui-ci est avant tout le club du Morumbi. Car le Morumbi est bel et bien la plus grande victoire des Tricolores.
par
sambafoot_admin
2005-11-17 16:17:39

Un projet de longue haleine

Un grand club, c’est d’abord un grand président. Beaucoup vous le diront. Le São Paulo Football Club doit beaucoup à celui qui fut son président de 1947 à 1957. Parce que le président (et ex-joueur du club) Cícero Pompeu de Toledo offrit quatre titres au club, l’installant durablement parmi les grands du Brésil, et parmi les plus grands du championnat pauliste, aux côtés des Corinthians, de Palmeiras et de Santos. Mais aussi parce que le président Toledo a offert au São Paulo FC son plus beau bijou : son stade. C’est lui en effet qui décide de lancer le projet d’une grande arène pour le club, dont il pose la première pierre le 15 août 1952, après la bénédiction de l’évêque de la ville, monseigneur Bastos. Le terrain acquis (partiellement par le club, partiellement par la ville) se trouve dans le quartier de Morumbi, le Jardin Leonor, voué jusqu’ici à la construction de logements. Les travaux débutent réellement en 1953, sur les plans de Vilanova Artigas, l’un des grands architectes modernistes du Brésil.

Mais le chemin est encore long. Le stade du São Paulo FC est un projet qui va mûrir lentement. Une commission est créée pour le mener à bien. Alors que Santos parie sur une petite perle nommée Edson Arantès do Nascimento, ou plus simplement “Pelé”, le São Paulo FC préfère investir dans le béton. Le solide. La quasi-totalité des moyens financiers du club y sont consacrés, notamment le produit de la vente de Canindé en 1956. Cela n’empêche pas les Tricolores de remporter quelques titres. À la fin des années cinquante brille dans les rangs du club un certain Zizinho, arrivé au club sur le tard après une longue carière à Flamengo, il permet au club de revenir au sommet du championnat de l’État en 1957.

18 ans de travaux

L’ouverture du stade est un événement presque national. Le résultat d’une véritable aventure. L’édifice ne peut être baptisé que d’un nom : celui du président Toledo, mort peu après avoir quitté la tête du club, qui a voulu le stade et ne le verra jamais. Mais le nom courant, ce sera Estádio do Morumbi, comme le quartier. Ou simplement “Morumbi”. Celui-ci est officiellement inauguré le 2 octobre 1960, par un match amical contre le Sporting de Lisbonne (1-0). Arnaldo Poffo Garcia marque le premier but dans les lieux, lui qu’on surnomme Peixinho (le petit poisson). 56 448 personnes garnissent les tribunes.

Mais le Morumbi est loin d’être achevé. Une partie seulement des tribunes, qui doivent dessiner un ovale parfait de 120 000 places autour du terrain, ont été bâties. Le reste attendra, l’édifice sera complété année après année, selon les crédits disponibles. Le budget du club est grevé sur le long terme. Conséquence : pas de star. Seulement des joueurs jeunes, volontaires, qui jouent au São Paulo FC parce qu’ils aiment le maillot tricolore. C’est le cas de Peixinho, de Djalma Santos, de Julinho Botelho, et plus tard de Roberto Dias et Jurandir. Une semaine plus tard, le São Paulo FC continue les festivités inaugurales en affrontant le Nacional de Montevideo. Un festival offensif, remporté 3-0 par les locaux, grâce à des buts de Canhoteiro et Gino (x2). Les années soixante sont globalement une période de construction sur le terrain comme en tribunes, et São Paulo a beaucoup de mérite dans ces conditions à continuer d’être parmi les meilleurs. Même sans titre à la clé, les visiteurs du Morumbi ne viennent jamais en pleine confiance, Pelé y compris.

Le plus grand stade privé

1970. Presque 18 ans depuis que le chantier a été lancé, et enfin, le Morumbi est achevé. Le résultat et là : un stade de 120 000 spectateurs, le plus grand stade privé du monde. Car le Maracanã est plus grand, mais il n’appartient pas à un club. Cela n’empêche d’ailleurs pas la Seleção de fréquenter régulièrement le Morumbi, et ce dès 1962 (Brésil 4-0 Paraguay, le 24 avril). Le São Paulo FC est à juste titre fier de cette réalisation. Celle-ci est inaugurée le 25 janvier 1970, avec environ 100 000 spectateurs, par un match contre le FC Porto (1-1). Vieira Nunes marque d’abord pour Porto, et Minuca égalise, marquant le premier but du São Paulo FC dans son antre enfin terminée. Le baptême international a lieu peu de temps après, le 22 mars 1970, avec une rencontre Brésil-Chili qui se conclut par la victoire écrasante des Auriverde (5-0). La fin des travaux est la bienvenue : le São Paulo FC retrouve enfin des moyens financiers à consacrer au secteur sportif, alors qu’aucun titre n’a été remporté depuis douze ans. Gérson, Pedro Rocha : voilà les nouvelles idoles du Morumbi, entre autres grands talents. Dès la saison 1970, le titre pauliste est acquis. Un autre suit en 1971, avec un couronnement idéal contre le rival de toujours, Palmeiras. Un grand stade, un grand club : quoi demander de plus ?

Pas grand-chose. Peut-être seulement des succès dans deux nouvelles compétitions : le championnat national du Brésil et la Taça Libertadores. Les Tricolores ne sont que deuxièmes du championnat brésilien en 1971 et 1973. Quant à la coupe sud-américaine, c’est encore une autre paire de manches. Parvenu en finale en 1974, le club brésilien est battu par Independiente, l’invincible champion d’Argentine. Malgré tout, le São Paulo FC (de nouveau champion pauliste en 1975) fait trembler le Brésil, avec ses joyaux Pedro Rocha, Chicão, Valdir Peres. Et le couronnement arrive, logiquement, en 1977 : São Paulo est champion du Brésil. Le Morumbi est en fête. Quelques semaines plus tôt, le 13 octobre, celui-ci connaissait également un record d’affluence de 138 032 spectateurs, lors de la finale du championnat pauliste : les Corinthians et Ponte Preta n’ayant pu se départager à l’aller et au retour (2-2 au score cumulé), le match d’appui se déroule au Morumbi, où les Corinthians l’emportent 1-0 sur un but de Basílio (81e). Une fois n’est pas coutume, le Morumbi fête d’autres couleurs.

De la Taça Libertadores… à la coupe du monde ?

Les années quatre-vingt représentent un autre cycle de victoires pour São Paulo, dans un Morumbi désormais béni par les cieux, après la messe donnée dans les lieux par le pape Jean-Paul II le 3 juillet 1980, devant 150 000 fidèles . Champion pauliste en 1980, 1981, 1985, 1987 et 1989, champion du Brésil en 1986 : seul le titre continental échappe encore à l’équipe de Leonardo, Cafu et Raï. Plus pour longtemps heureusement : de nouveau champion pauliste en 1991 et 1992, de nouveau champion du Brésil en 1991, le São Paulo FC passe enfin à l’étape supérieure en remportant la finale de Taça Libertadores 1992. Battus par les Newell’s Old Boys à l’aller (1-0), les Tricolores remontent le score au retour et prennent le dessus lors de la séance de tirs aux buts (3 tirs aux buts à 2). Cet exploit est renouvelé dès 1993, avec une victoire finale sur l’Universidad Catolica de Santiago du Chili.

Mais les temps changent et le football brésilien n’a plus la cote. Dans un championnat brésilien affaibli année après année par les exils des meilleurs joueurs en Europe, le São Paulo FC fait peut-être partie des clubs qui s’en tirent le mieux. Après un nouveau titre du championnat d’État en 1998, le club remporte son vingtième Paulistão en 2000, puis encore un en 2005, à quoi il faut ajouter un tournoi Rio – São Paulo en 2001. À São Paulo, seuls les Corinthians sont aussi restés au même niveau, tandis que Palmeiras et Santos sont à la peine.

Le Morumbi, lui, est toujours l’un des plus beaux stades du pays, et l’une des ambiances les plus mémorables. Rénové en 1998-1999 pour être en conformité avec les normes de sécurité de la FIFA, le stade ne peut plus accueillir que 74 000 personnes, mais dans des conditions optimales. Un nouvel éclairage a d’ailleurs été installé pour améliorer le spectacle, les quatre pylônes ayant été supprimés au profit de deux rampes latérales suspendues au-dessus des tribunes par une structure métallique. Autour du stade, des installations diverses ajoutent encore au caractère unique du lieu : le siège du club, un piscine, des espaces de loisirs. Avec le Morumbi, São Paulo, le club, mais aussi São Paulo, la ville, disposent d’un lieu exceptionnel. Un temple du football qui regarde vers l’avenir. Vers le Mondial 2014, peut-être?

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sambafoot_admin
Nov 17, 2005