France Brésil 2015 : témoignage de sambanautes

   Jeudi 26 mars 2015, 15H : J’ai pris un jour de congé pour cette date très spéciale. Ma compagne et même mon fils de 2 ans savent que ce jour est particulier et ne me demandent pas grand chose. Le Brésil, pays d’origine et de cœur, affronte la France pays de ma nationalité et […]
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sambafoot_admin
2015-03-28 21:16:00

   Jeudi 26 mars 2015, 15H : J’ai pris un jour de congé pour cette date très spéciale. Ma compagne et même mon fils de 2 ans savent que ce jour est particulier et ne me demandent pas grand chose. Le Brésil, pays d’origine et de cœur, affronte la France pays de ma nationalité et que je représente quotidiennement. Il existe toujours une forme de partage et de tiraillement, même si la passion pour le football brésilien l’emporte. Et puis quelle histoire footballistique entre les deux équipes….
Je me prépare à partir. La simplicité particulière des conditions de stationnement au stade (assez kafkaïennes , faut le dire) m’amène à choisir de me garer au Bourget.
Je veux prendre mon habit de torcida, mais me souviens alors que j avais tout balancé le soir du 7-1.
J’arrive un peu tôt, mais ce match est aussi l’occasion de rencontrer d’autres sambanautes, à savoir Adriano, Luda et Reinoildo. Cela faisait déjà quelques jours que nous échangions, faisant ainsi monter l’événement en puissance.

   17H : Je suis arrive au point de ralliement à savoir le Mac Donald du Stade de France. Je crois apercevoir les autres membres, mais il s’agissait de supporters brésiliens qui , du coup, m’ont pris pour un dingue. J’attends alors à l’extérieur : 17H15, 17H30, 17H45…Entre temps, on m’aura taxé la moitié de mon paquet de cigarette, tenté de me vendre autant de places que de membres de sambafoot (pour la modique somme de 250 euros l’unité).

   17H45-18H10 : les membres arrivent. D’abord Adriano qui nous fait l’amitié de nous rencontrer sans pouvoir assister au match. Luda et son maillot bleu de la selecao et Reinoildo qui nous avait longtemps observé avant d’être sur que ce soit nous, vêtu du maillot jaune et d’un immense drapeau. Eh oui on ne plaisante pas avec la selecao.

   18H10-19H30 : Agréable, telle est la description du moment passé. Je fais office de « vieux » du haut de mes 36 ans, mais je compte bien démontrer que j’ai encore du gaz ! La composition d’équipe, Dunga, le 7-1, le glorieux passé, tout y passe. On dialogue sur toutes les problématiques ayant trait de près ou de loin à la selecao. Les arguments pertinents se croisent, s’accordent, se confrontent. Outre la sympathie évidente  propre à ces membres, je me rends compte à quel point la selecao est une sorte de ciment, ou de soleil qui attire tant de gens dans son champ de gravité. La selecao apparaît plus qu’une passion mais un élément fondamentalement structurant. La selecao mais aussi le Brésil en général. Une sorte de producteur de synérgie, qui peut fédérer tant de gens quelques soient leurs situations. Ce soir, nous étions un peu plus que nous-mêmes, nous étions tous les quatre des supporters invétérés de la selecao.
Je remarque aussi que nous sommes assez remontés. Remontés car nous n’avons pas spécialement approuvé tout ce qui avait dit par les médias français à propos de la selecao, devenu une « équipe comme les autres ».

   19H30 : Fort de ce super moment passé ensemble, nous décidons de regagner le stade. Moment choisi pour Adriano de nous quitter. Nous arrivons porte Y et c’est Reinoildo qui quitte la file. Arrivé en X, je me sépare de Luda. Nous serons tous les trois éparpillés dans le stade, mais je sais que nos cœurs seront unis derrière la selecao. Le moment passé avec ces personnes sympathiques prends donc fin et j’entre dans le vif du sujet. Le stade de France s’ouvre à moi et je découvre à nouveau cette œuvre architecturale titanesque, digne d’une équipe qui a gagné une coupe du monde et dans lequel les brésiliens ont tant souffert.

   20H : Après quelques bons mixages du DJ du stade de France, le jeu du supporter promu à une bonne place (en l’occurrence un type avec un drapeau français…tient tient..), les gardiens entrent sur le terrain. La titularisation de Jefferson et son crâne brillant se profile. Nous savions Dunga hésitant sur ce point, il a tranché. Son choix porte sur le gardien de Botafogo, qui démarre à 32 ans une jeune carrière en selecao. Comme Luda, je connais un peu le personnage et j’ai à la fois l’espoir de miracles et la crainte de prises de balles difficiles. Côté français, je retrouve sans surprise Mandada. En même temps, vu ce qu’avaient montrés les remplaçants à l’échauffement… J’ai une pensée pour les 3 membres de sambafoot rencontrés en ce jour, mais aussi pour Fred, quelque part dans le stade, sans qui le site n’existerait pas. Je pense aussi à ceux qui ne sont pas venus et me demande ou en est, notamment, les débats entre Marta, Jayjay et Eyden.

   20H30 : les joueurs entrent à l’échauffement. Ils me semblent si petits… Pourtant on reconnaît les traits caractéristiques de certains d’entre eux. Le serre tête  de Filipe Luis, les touffes de Marcelo et Wilian, la crinière de Neymar, la coupe improbable de Griezman.

   20H45 : Le stade de France fête ses « centenaires » en sélection. Entrée de Thierry Henry, Zidane et Desailly. Bref, le cauchemar du foot brésilien est réuni. Tous ont marqué contre le Brésil en lui privant de titres. J’ai malgré tout un grand respect pour ces joueurs pour le talent qu’ils ont démontré. La Torcida doit savoir reconnaître le talent lorsqu’il est ailleurs, quant bien même il aurait pu tuer la selecao en compétition.
Les compositions sont annoncées. Le stade de France siffle les joueurs de la selecao, sauf Neymar. Comme quoi les français savent également repérer le talent. Arrive celle de l’équipe de France avec des vidéos montrant chaque joueur à l’attitude « vachement cool ». Je suis très surpris par la présence d’Elias que j avais vu peu à son avantage sur ce terrain même en 2011.
Il s’ensuit l’entrée des joueurs sous une ambiance folle et les hymnes nationaux, sous l’air placide du chef d’orchestre. Les supporters respectent les deux moments de communion nationale.
Une minute de silence est respectée pour les victimes du crash et soudain je me rappelle à quelle point le foot peut aussi être relatif dans ce monde.

   21H : coup d’envoi. Dunga est déjà debout sur le bord de la pelouse. Il n’est pas là pour faire du tourisme. Le Brésil se présente dans un 4-4-2 simple et évident à première vue. Je croise les doigts pour que, contrairement à 2011, il y ait un vrai match.

   21H07 : la selecao garde le ballon et domine et pourtant, nous sommes gravement en danger sur le premier corner. Jefferson lève certains doutes en sortant une des plus belles parades que je n’ai jamais vu.

   21H22 : But pour la France. Décidément les corners ne seront jamais le truc de la selecao. Miranda est aux fraises, Jefferson ne peut rien. Pourtant la selecao avait montré un bon visage. Les supporters français retournent en 1998 et commencent à chanter « 1-2-3-0 ». Cependant, je garde espoir car vraiment, dans le jeu, la selecao m’a paru très haut dessus. La seule chose est que la selecao  a trop tendance à se borner à donner le ballon à Neymar en espérant qu’il se passe quelque chose.

   21H42 : Oscar était bien transparent depuis le début du match et l’idée de le mettre sur un côté apparaît toujours assez discutable. Tout d’un coup, comme un éclair traversant son esprit, il décide de prendre une initiative. Un relai avec Firminho et but pour le Brésil. Les supporters à côté de moi, sentent un peu le doute s’envahir. J’en vois un qui espère un nouveau corner. Oui, la France ce soir avait surtout pour ambition d’obtenir des corners. Inquiétant pour une équipe qui va accueillir le championnat d’Europe des nations.

   21H47 : pause, nous sommes des centaines pour deux toilettes. Va falloir rester patient. J’essaye de sauvegarder le peu de cigarettes qui me reste. Je sens clairement le doute habiter les supporters français autours de moi. La selecao est au dessus et ils doivent bien le reconnaître. Je retourne à ma place pile au coup d’envoi.

   22H13 (à peu près) : la France était bien rentrée mais le Brésil joue l’arme favorite du contre. Superbe action de Wilian, pourtant porté disparu en première mi temps, magnifique frappe sans angle de Neymar. Mandanda, globalement bon sur ce match, lui laisse un espace impardonnable au premier poteau.

   22H25 : Si les coups de pieds arrêtés sont une faiblesse défensive, ils constituent un avantage en phase offensive avec Dunga. Corner pour le Brésil, Luiz Gustavo est pépère peinard démarqué. 3ème but pour la selecao. Pourtant la France avait rudement bien réagi au second but auriverde, mais Jefferson n’a vraiment pas envie de perdre sa place de titulaire. Le match est plié, le stade est silencieux. Cela sent la déception autours de moi. Le pire est qu’au-delà de ces réactions françaises, le Brésil aurait pu aussi en marquer 2-3 de plus.

   22H45 : le match arrive à son terme, les supporters applaudissent Neymar, sifflent leurs joueurs et scandent des « zizou zizou». Le stade se vide petit à petit. Dunga décide seulement ses premiers changements, ce qui est aussi une marque de ses certitudes. Deschamps a, pour sa part, envie de lancer au casse pipe Fékir, sous les sifflets et à 3-1….

   22H50 : je repars direction Le Bourget le sourire aux lèvres. J’ai trouvé la selecao très convainquante, déterminée et relativement au point collectivement, sous la seule réserve des coups de pieds arrêtés. On sent que cette équipe a « quelque chose à se faire pardonner ». Elle donne tout et semble prête à mourir sur le terrain. Je me demande juste comment la selecao va assumer cette débauche d’énergie sur une longue période de compétition.
Oui, comme l’ont indiqué les journaux, ce n’est pas du joga bonito, mais c’est un Brésil efficient, compact, réaliste. Bref un Brésil qui peut être titré, à défaut de fédérer les nostalgiques. De toutes façons, a-t-elle les moyens de ne compter que sur 3-4 surdoués en attaque ?
Individuellement, je trouve qu’Elias et Miranda ont été en Deçà des autres. Si Oscar et Wilian ne respirent pas toujours le génie sur le terrain, il faut voir qu’on constate en direct leur implication défensive sur le terrain. Et puis ils ont été décisifs. Tel est le cas aussi de Firmino. Le Brésil n’a pas de 9, mais le joueur d’Hoffeneim (qui ne devrait pas y faire de vieux os) est très intéressant dans le jeu. Il se déplace bien entre les lignes, revient bien défendre et fait aussi preuve d’initiatives. J’étais heureux aussi de voir Thiago Silva évoluer….quel beau défenseur !! je me demande ce que va faire Dunga avec le retour de David Luiz.  Neymar demeure la star incontestée, mais j’espère encore que Dunga diminuera la dépendance de l’équipe aux exploits de ce joueur. Ce n’est pas impossible, car lorsque Wilian, oscar ou Firmino prennent des initiatives, des choses intéressantes en découlent. Je regrette de n’avoir vu Coutinho, actuellement génial en Angleterre, mais vu le peu de changement opéré par Dunga, il lui sera difficile de gagner une place de titulaire.

   23H30 : Je récupère enfin ma voiture. J’allume la radio, histoire de profiter des commentaires. En deux mots Lizarazu explique que « la selecao était meilleure dans tous les compartiments de jeu ». Je crois que tout est dit. J’imagine Dunga avoir tout de même un sourire en coin pour avoir battu la France dans son antre. Je repense aux supporters qui scandaient « Zizou ». La France n’a plus Zidane, mais el Brésil n’a plus Ronaldo, Ronaldinho, Romario, Kakà ou Adriano non plus, telle est la nouvelle donne pour les deux équipes.

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