Mais quelle mouche a donc piqué Felipe Scolari quand il lui a pris de ne pas tout faire pour retenir Diego Costa en Seleçao ? S’il l’a essayé, sur l’un ou l’autre amical (face à l’Italie puis la Russie), il l’a vite mis de côté, le laissant partir pour la sélection espagnole.
Où, d’ailleurs, il ne brille guère (un but en sept matchs). L’avant-centre de Chelsea ne serait-il qu’un bon joueur de club ? Ce qui arrive parfois d’ailleurs, avec ces fines gâchettes fortes en championnat, mais incapables de s’imposer en équipe nationale.
Actuel meilleur buteur de la Premier League (19 buts), l’ancien goleador de l’Atletico Madrid (20 buts en 2012-13 puis 36 la saison suivante) manque cruellement à son pays d’origine. L’adversaire en fait un ennemi, il sait se faire détester au plus haut point par les supporteurs adverses.
C’est sans doute une qualité, un compliment pour qui se bat jusqu’aux tripes pour ses couleurs. C’est un avant-centre de pure race, à fort caractère, casse-couilles pour toute défense, hargneux. Il cherche le contact, provoque la faute, suscite la haine, fait péter les plombs.
Il pourrait jouer au rugby tant il aime se frotter aux gaillards arrières, il ne fait pas de cadeau, sait se faire respecter. Malgré ses 26 ans, on lui en donnerait quelques-uns supplémentaires tant il affiche sur sa face les rudes batailles qu’il sait livrer en surface de réparation.
Sa préférence va vers la position seul devant, où il a le sens des espaces, sachant dans les intervalles, garder le ballon, faire mouche. Voilà un attaquant, un vrai, qui marque et ne gâche pas les ballons qu’on lui offre, qui pèse sur une défense pour lui faire perdre ses moyens, ses nerfs, l’amener à provoquer des fautes. Quelles merveilleuses n’aurait-il pas commises avec Neymar pour le servir ?
Oui mais voilà, par la faute de Felipe Scolari, alors sélectionneur de la Seleçao, le Brésil l’a laissé partir. Le 5 juillet 2013, quand il prend la nationalité espagnole, lui offrant le droit d’être appelé avec l’Espagne, le Brésil pense qu’il n’en aura pas besoin, qu’il y a mieux à la maison.
A l’époque, c’est Fred le titulaire du poste. D’ailleurs, malgré une Coupe du monde e (un penalty provoqué qui n’y était pas, un but alors qu’il était hors-jeu), le joueur du Fluminense reste le meilleur buteur du Brasileirao (18 réalisations), comme en 2012 (20), après sa blessure en 2013.
Mais alors qui donc peut choisir Dunga à l’heure de construire un groupe en vue du Mondial 2018 en Russie ? Difficile de dire qu’il a l’embarras du choix, lui qui semble piocher au Shakhtar Donetsk entre Douglas Costa et Luiz Adriano, qu’il vient d’appeler à la rescousse après le forfait de Diego Tardelli.
Les deux du club ukrainien viennent de Porto Alegre, le plus jeune (Douglas Costa, un gaucher) du Grêmio, l’aîné (Luiz Adriano, un droitier) de l’Internacional. Tout comme Dunga d’ailleurs. Il ne serait plus là, le temps, où la Seleçao se servait en Italie (Adriano) ou en Espagne (Ronaldo).
Que n’importe quel Onze enviait ! Mais où sont passés les avant-centres d’autrefois ? Non ses adroits dribbleurs, formidables avaleurs de petits espaces, formidables créateurs de jeu. A cela, il reste Neymar, Oscar quand cela lui chante, Willian aussi. Un Coutinho aussi, capable de buts lointains.
Non, il est ici question de trouver un successeur à un Careca (Naples), un Romario (Barcelone), un Ronaldo (Inter, Real…), un Adriano (Inter), un Luis Fabiano (FC Séville), ces joueurs à qui un ballon suffit pour le convertir en but, faits pour chiper le moindre espace pour ouvrir la marque.
Un gars qu’on plante devant, avec une garde rapprochée adverse, qui ne va en toucher qu’une seule, de balle, mais va la mettre au fond. Habile à installer le doute dans la défense, à la mobiliser et à se faire oublier le temps de tirer. Un Diego Costa en somme. Sauf qu’il n’est plus disponible.
Santos, formidable école de dribbleurs, qui nous aura offert Robinho puis Neymar, ne serait-il plus en mesure de sortir un avant-centre ? Un de la trempe de Pepe, du temps de Pelé ? Le Sao Paulo FC n’aurait-il pas d’héritier à Muller (ex-Torino), à part un Alan Kardec, si fort, mais parfois seulement ?
Franchement, comment ne pas s’inquiéter avec un Brasileirao qui couronne Fred en tête de ses buteurs ? Un joueur en son temps si timide en France, avec Lyon. Le Brésil a fourni un Roberto Dinamite, un Romario, un Edmundo (Fiorentina). Et aujourd’hui ? Diego Tardelli, parti en Chine ?
Henrique (Palmeiras) et Ricardo Goulart (Grêmio) sont les autres buteurs du moment en championnat national. Dur de les imaginer sur les joutes internationales. Alexandre Pato semble barré pour la Seleçao avec tant de bas et quelques hauts.
Jô, remplaçant de Fred au dernier Mondial ? Plus vu chez les Auriverde et c’est mieux. S’il n’y a plus d’avant-centres, serait-ce la faute au jeu qui s’appauvrit en championnat? Avec recours trop fréquent aux longs ballons vers l’avant, aux longues chevauchées sans en passer par un jeu construit ?
Sans doute. En Europe, du côté des Brésiliens qui s’exportent, seul Neymar s’impose parmi les meilleurs buteurs (17 buts en 20 matchs) d’un grand championnat, avec le Barça, dans un contexte et avec un style de jeu bien particulier, aux côtés de Sanchez et Messi.
Dans un rôle qui n’est pas le sien en auriverde, où il lui est demandé de créer du jeu. A moins d’être génial, ce qu’il est, n’en doutons pas, il lui sera difficile, à chaque fois, de construire l’action, d’en être le point d’invention tout en étant à sa conclusion. Même un Messi n’y est pas parvenu au Mondial.
Peut-on se passer d’un véritable avant-centre ? Pas simple. Le Barça, la Roja aussi, s’y sont essayé dans un style de jeu plus latéral et le redoublement de passes que la recherche de la profondeur. Mais le grand Barça avait aussi un Eto’o, un Henry, l’Espagne sacrée en 2010 un Villa (5 buts).