Le Congrès de la Fifa se tient la veille de la clôture des Jeux Olympiques de Berlin, le 15 août à l’Opéra Kroll de Berlin, le congrès octroie à la France seule candidate, l’organisation de la troisième Coupe du Monde. Mais ce choix ne satisfait pas les sud-américains qui auraient préférés que soit nommé un pays d’Amérique du Sud au nom de l’alternance. Jules Rimet alors président de la Fifa et de la Fédération Française de Football, donne l’assurance que tout sera mis en œuvre pour que la Coupe du Monde soit une réussite, le stade de Colombes sera agrandie alors que Bordeaux et Marseille verront sortir de terre, le Parc Lescure et le stade Vélodrome.
Mais une question tourne dans toutes les têtes, la phase finale pourra vraiment avoir lieu, vu le climat international de guerre que le monde vit. L’Espagne en pleine guerre civile, Hitler qui a pris le pouvoir et annexé l’Autriche, avec le suicide de Mathias Sindelar, le plus grand footballeur autrichien et en Chine où là-bas aussi on se bat. A cela vient se greffer les défections sud-américaines, l’Uruguay qui ne veux pas remettre sa couronne en jeu, l’Argentine de s’être vue préférer à la France, seul le Brésil sera présent suite au forfait de la Bolivie.
La Seleção qui sortait d’une bonne Copa America ponctuée par trois victoires contre une double défaite face à l’Argentine, était dirigée par Adhemar Pimenta, un très bon sélectionneur, mais qui manquait cruellement de repères tactiques notamment concernant le système de jeu inventé en 1925 par Herbert Chapman. L’entraineur des Gunners d’Arsenal et introduit au Brésil en 1937 par le hongrois Izidor “Dori“ Kuerschner, alors entraineur du Flamengo (1937-1938).
Pour préparer ce mondial, Adhemar Pimenta avait formé deux équipes, puis une fois la délégation brésilienne formée, c’est à Caxambu dans le Minas Gerais , que tout se beau monde s’est retrouvé durant un mois pour se préparer avant d’embarquer à destination de la France à bord de l’Arlanza.
Pour que tout le Brésil puisse suivre les rencontres de la Seleção, c’est Leonardo Gagliano Netto reporter à la radio Cruzeiro do Sul, qui fût en charge de faire vivre pour la première fois en direct les prestations brésiliennes.
Bagarre à la Meinau
Pour fuir toutes pressions, la Seleção se regroupe dans la forêt de Niederbronn pour se préparer. C’est sur la pelouse du stade de la Meinau de Strasbourg, que le Brésil débute son tournoi face à la Pologne. Une rencontre qui fait partie des matches de légende de la Coupe du Monde, par deux faits, le premier par le nombre de buts inscrits et le second par un épisode rocambolesque signé Leônidas.
Tout d’abord donc à la lecture du score finale de 6 à 5 en faveur de la Seleçao, laquelle supérieure en agilité et en technique ouvre logiquement le score à la 18’minute par Leônidas mais les polonais égalise sur pénalty cinq minutes plus tard par Scherfke. Les brésiliens ement impressionnés ont repris l’avantage trois minutes plus tard par Romeu et juste avant la pause Péracio inscrit le quatrième but auriverde. Après le repos une pluie battante s’abat sur la pelouse de la Meinau rendant le terrain comme un marécage, des conditions de jeu auxquelles ne sont pas habituées les brésiliens et c’est alors que se produit le second grand fait de ce match particulier.
Leônidas a estimé qu’il serait plus à l’aise en retirant ses chaussures et les envoient à Adhemar Pimenta mais M. Eckling l’arbitre suédois de la rencontre qui avait dirigé quatre ans auparavant la finale entre l’Italie et la Tchécoslovaquie, arrête le match pour expliquer que le football se joue avec des chaussures et Leônidas dû se résoudre à rechausser ses crampons. Willimovski inscrit deux buts en faveur de la Pologne aux 53’ et 59’ minutes et permet ainsi à sa formation de revenir à hauteur des brésiliens. Mais cette rencontre n’avait pas encore rendue son verdict et le Brésil reprenait l’avantage à la 71’ minute grâce au second but de Péracio, le but de la victoire ? Eh bien non, la Pologne parvenait à la 89’ minute à égaliser une seconde fois par Willimoski, mais cette rencontre a réservé aux 13000 spectateurs un finale de folie, puisqu’à la 104’ minute Leônidas inscrivait le sixième but brésilien, son troisième de la partie, et la Pologne aura fait trembler la formation de Pimenta jusqu’au bout puisqu’à la 118’ minute, Willimovski eut le dernier mot en matière de but, en ayant inscrit le dernier but de ce match incroyable et son quatrième personnel. Un match qui entra dans la légende et aura tenu en haleine tout le Brésil.
Pugilat à Bordeaux
Pour l’inauguration du Stade Municipal de Bordeaux, une affiche alléchante était proposée entre le Brésil vainqueur de la Pologne lors d’une rencontre incroyable et la Tchécoslovaquie finaliste malheureux quatre ans auparavant face à la Squadra Azzura. Mais cette rencontre à enjeu avait visiblement dépassé les deux formations, et la rencontre a très vite ressemblé à un combat de rue. L’arbitre hongrois M. Herska expulsait trois joueurs, le premier Zeze Procopio dès la 14’ minute. C’est handicap n’a pas pour autant ôté l’envie aux brésiliens de marquer qui trouvaient l’ouverture à la demi-heure de jeu par Leônidas.
Un avantage conservé jusqu’à la 65’ minute, lorsque sur pénalty des plus discutables, Oldrich Nejedky remettait les deux équipes à égalité, plus rien ne se sera marqué et il faudra un match d’appui pour départager les deux équipes. Une rencontre sulfureuse d’autant plus que deux autres expulsions survenait, Riha et Machado à la 89’ minute. Un match d’une rare violence qui physiquement aura laissé des traces avec, Planicka victime d’une fracture au bras droit, Nejedly fracture de la jambe droite, Kostaleck touché au ventre, Leônidas et Peracio quittaient le terrain avant la fin de la prolongation sur blessure, une rencontre pitoyable qui se terminait avec huit Tchèques face à neuf Brésiliens.
Seconde manche à Marseille
Le match d’appui entre le Brésil et la Tchécoslovaquie était placé sous haute sécurité sur le terrain, suite à la première manche qui avait plus ressemblé à un combat de rue qu’à une partie de football deux jours auparavant. Et c’est une nouvelle fois au Stade Municipal de Bordeaux que les deux protagonistes se retrouvaients pour se départager. Une rencontre qui s’est déroulée sans incidents et remportée par le Brésil 2 à 1. Pourtant ce ne fût pas choses faciles pour les Auriverde, menés à la 25’ minute par un but inscrit par Kopecky et c’est sur ce petit avantage que la mi-temps fût atteinte. Cela s’est mieux passé lors de la seconde période avec les deux buts inscrits, tout d’abord, par Leônidas à la 57’ minute puis le but victorieux inscrit à la 63’ minute par Roberto de São Cristovão, le premier club de Ronaldo “Il Fénoméno“. Un succès qui a permis à la Seleção d’obtenir son billet pour disputer la demi-finale face à l’Italie championne en titre.
Le pêché d’orgueil de Pimenta
Pour cette demi-finale, la première pour le Brésil, Adhemar Pimenta a commis une erreur monumentale, un pêché d’orgueil. Contre la Squadra Azzura championne du monde en titre, il décidait de mettre sur le banc des remplaçants, Tim et surtout Leônidas auteur de cinq des neufs buts brésiliens. Il déclarait qu’ils les réservaient pour la finale. De leur côté les Italiens ne se laissaient ement impressionner par le public acquis à la cause du Brésil, d’autant que l’Italie avait battue à Colombes la France 3 à 1. Vittorio Pozzo le coach italien, reconduisait cette équipe. Après une première période où les Tansalplins rataient de peu d’ouvrir le score à plusieurs reprises face à un petit Brésil, c’est en seconde période que tout se jouait avec l’ouverture du score pour l’Italie à la 51’ minute par Gino Colaussi, puis suite à un coup de pied asséné par Da Guia à l’encontre de Piola, l’arbitre suisse M. Wutrich, sifflait pénalty que transformait Guiseppe Meazza.
Les Brésiliens ont jeté leurs dernières forces pour tenter l’impossible, mais il n’ont trompé qu’à une seule reprise Aldo Olivieri à la 87’ minute par Romeu, attaquant du Fluminense, le remplaçant de Leônidas. Longtemps du côté du Brésil, on a affirmé que le pénalty contre Da Guia était trop sévère et que l’arbitre avait empêché le Brésil de devenir champion du Monde pour la première fois. Mais en fait il a manqué à cette équipe un manque de maturité évident et surtout de graves lacunes dans le jeu collectif. Mais surtout ce pêché d’orgueil de Pimenta qui au contraire de Barbosa en 1950, ne lui a pas collé à la peau durant toute sa vie. Le Brésil disputait face à la Suède le match pour la troisième place.
Le Brésil termine troisième
Pour ce match de classement le premier de l’histoire, le Brésil a affronté la Suède à Bordeaux. La Suède battue largement en demi-finale par la Hongrie sur le score de 5 à 1. Et pour cette dernière rencontre, Leônidas retrouvait sa place à la pointe de l’attaque. Malgré l’appui du public bordelais, c’est la Suède qui trouvait la première le chemin des filets grâce à un but inscrit à la 28’ minute par Sven Jonasson, puis dix minutes plus tard, Arne Nyberg doublait la mise. Le Brésil réagissait et réduisait l’écart juste avant la pause à la 44’ minute par Romeu. En seconde période, le Brésil se montrait plus fort et ajoutait trois nouveaux buts, par Leônidas auteur d’un doublé aux 63’ et 74’ minutes et c’est Peracio à la 80’ que revenait le soin de sceller la victoire brésilienne. Leônidas a terminé meilleur buteur de la phase finale avec huit buts.
Le Brésil qui terminait sur la troisième marche du podium et laissait un mémorable souvenir au public français.
La Sélection
Gardiens : Batatais (Fluminense-RJ), Walter (Flamengo-RJ)
Défenseurs : Domingos Da Guia (Flamengo-RJ), Jaú (Corinthians-SP), Macahdo (Fluminense-RJ)
Milieux : Nariz (Botafogo-RJ), Afonsinho (São Cristovão-RJ), Argemiro (Portuguesa Santista-SP), Brandão (Corinthians-SP), Britto (America-RJ), Martim Silveira (Botafogo-RJ), Zézé Procopio (Botafogo-RJ
Attaquants : Hercules (Fluminense-RJ), Leônidas da Silva (Flamengo-RJ), Lopes (Corinthians-SP), Luizinho (Palmeiras-SP), Niginho (Vasco da Gama-RJ), Patesko (Botafogo-RJ), Peracio (Botafogo-RJ), Roberto (São Cristovão-RJ), Romeu (Fluminense-RJ), Tim (Fluminense-RJ)
Domingos Antonio Da Guia : Grand défenseur central de l’histoire du football brésilien, il est considéré comme l’un des plus grands joueurs du Flamengo et des Corinthians, ainsi que l’un des meilleurs défenseurs de la Seleção. Il est le frère de Ladislau da Guia, meilleur buteur de l’histoire du club de Bangu-RJ et le père d’Ademir da Guia, joueur historique de Palmeiras-SP et troisième meilleur buteur de son histoire. Il a également porté par deux fois les couleurs de Boca Juniors en Argentine et du Nacional de Montevideo en Uruguay où il est surnommé Divino Mestre (Le Divin Maître), dû à sa lenteur et son style de jeu qui rassurait ses coéquipiers. Lors de la demi-finale de Coupe du monde en 1938 il concède un pénalty lourd de conséquence, et malgré une réclamation auprès de la FIFA, il est débouté et doit s’acquitter d’une amende de 125 Francs Suisses.
Jaú Euclydès Barbosa : Il a pris le surnom de Jaú en souvenir du premier brésilien qui en hydroplane a traversé l’Océan Atlantique dans les années 20.
José dos Santos Lopes : Fût le premier joueur des Corinthians de São Paulo à avoir porté le maillot de la Seleção.
Niginho Leonídio Fantoni : Issu d’une famille italo-portugaise, il débute avec son frère João Fantoni “Ninão“ et son cousin Otavio Fantoni “Nininho“ au Cruzeiro (Palestra Italia), puis ils sont transférés en 1931 à la Lazio où ils rejoignent un autre italo-brésilien, Guarisi, et du côté de la Ville Eternelle on surnomme la Lazio de Rome la “Brasilazio“. En 1935 il est enrôlé dans l’armée italienne pour aller combattre en Abyssinie (Ethiopie), il n’a pu jouer la Coupe du monde de 1938, car il était porté comme déserteur, et de ce fait n’a pu affronter en demi-finale le Brésil.
José Perácio : Grand attaquant de Botafogo où il a enchanté de 1937 à 1940 les foules du stade du Général Severiano. Durant la Coupe du monde il se fait remarquer non pas par son talent de buteur, mais par sa frappe de balle surpuissante pour preuve il a au cours de la rencontre face à, la Tchécoslovaquie cassé le bras et la clavicule du gardien Frantisek Planicka, lequel a voulu stopper le tir de Perácio , mais a heurté son poteau et s’est blessé.
Adhemar Pimenta : Sélectionneur durant le mondial 1938, il commit l’erreur de laisser au repos Leônidas et Tim lors de la demi-finale face à l’Italie ce qui a coûté le billet pour la finale. Au contraire de Barbosa , au Brésil on ne lui en a pas tenu rigueur puisqu’il a conduit la Seleção de nouveau en 1942.